Marielle Potvin, orthopédagogue / marielle.potvin@gmail.com


Coming out (2ème partie)
21 octobre 2009, 22:58
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École St-Édouard, Montréal. Classe de 6ème année de Mme Louise Latraverse

Quand j’étais en 3ème, j’ai compris que quelque chose en moi était différent. Je venais de prendre conscience de ma difficulté à me situer dans l’espace. Évidemment, j’étais à l’âge où petit à petit, l’enfant commence à prendre ses distances de la maison.  Aller chez Perrette était un exploit,  je me perdais au retour du parc qui n’était pourtant qu’à deux pâtés de maison de chez moi.  Les adultes pensaient même que je le faisais exprès, me voyant  rentrer bien après la tombée du jour d’une promenade à bicyclette.

Je n’arrivais pas à respecter les délais, je me faisais gronder pour mes nombreux retards et je commençais à éviter les sorties.  Personne n’avait encore compris que contrairement à la plupart des gens, je n’arrivais  pas à me représenter mentalement un plan et que ma notion du temps était déficitaire.

Mais comme je ne savais ni lire ni écrire en 6ème année, ce problème était relayé, disons-le comme ça, au second plan … Entendons-nous, je pouvais décoder certaines lettres. Mais lire couramment et comprendre ce que je lisais n’étais pas à ma portée. Dans le temps, on plaçait les personnes comme moi au fond de la classe, question de mieux nourrir pédagogiquement les élèves qu’on disait plus douées. C’était une façon de faire qui était très courante chez les religieuses, pas plus à St-Édouard qu’ailleurs.

Mais Soeur Ste-Marie-de-je-ne-sais-plus-quoi nous a quitté aux vacances de Noël, pour accéder à une retraite bien méritée. C’est Mme Louise qui l’a remplacée.
Je me souviens que ce matin-là, avant de descendre de la voiture, je l’ai vue embrasser son mari. Devant toutes les élèves de l’école ! 
Rien qui s’éternise, mais quand même, un baiser. Les enseignantes avaient donc une vie…  

J’entrais donc en classe avec ces pensées troublantes. Et est-ce que les autres soeurs l’avaient vue , elles aussi ?  Elle se ferait sûrement mettre à la porte.
Je n’ai évidemment rien compris de ce qu’elle nous a dit alors, tant j’étais absorbée à assimiler ce que je venais de voir. Son attitude et sa façon de s’adresser à nous me laissait cependant entrevoir que ça pourrait bien se passer. Si elle conservait son emploi…

Elle le conserva. Et il ne lui fallut que quelques jours pour me repérer.

Au début, elle me demanda de rester à la récré, puis de revenir plus tôt du dîner.  J’ignorais pourquoi je recevais tant d’attention de sa part, mais  j’allais bientôt découvrir que Mme Latraverse, avant d’être engagée comme enseignante, avait été faire un voyage (de noces, que j’imaginais ;-)… en Europe. 
Qu’elle avait étudié avec Mme Borel-Maisonny, pionière de la méthode phonétique et gestuelle. La profession d’orthopédagogue n’existait pas encore au Québec. Ce n’est que vingt ans plus tard que lentement, on recevrait  des influences de ce qui se tramait déjà depuis plusieurs années de l’autre côté de l’Atlantique. 

La première fois, elle placa trois petits blocs de couleurs différentes et me demanda de continuer la suite. 
– Bleu, blanc, rouge. Qu’est-ce qui vient après? 
-Je ne sais pas, Madame. 
J’ignorais totalement comment choisir la couleur qui viendrait après. Comment savoir si ce devait être telle couleur  plutôt qu’une autre ?

Mme Latraverse avait compris que je ne maîtrisais pas ce qu’on appelle les suites séquentielles. Avec patience, de plus en plus de jetons et de perles à enfiler (des macaronis qu’elle peignait elle-même) , j’en vint à maîtriser des séquences de trois, cinq et même sept éléments.

Mais je ne savais toujours pas lire.  Je savais écrire, par contre.   Dommage, personne n’arrivait à me lire 😉 

Je n’ai jamais  su pourquoi  on ne m’a jamais fait doubler, mais je soupçonne que c’est parce que j’étais plutôt grande, pour mon âge.  C’est ce que mes parents, qui n’y comprenaient rien, m’avaient mentionné, il me semble. Et puis, à l’époque, on n’en faisait pas tout un plat.

Je pourrais faire un cours en économie domestique, et c’est tout. Les jeunes filles ne rêvaient , tout au plus, qu’à embrasser un mari avant d’aller enseigner. Ou soigner quelqu’un à l’hôpital.

(à suivre)

Marielle Potvin, orthopédagogue
marielle.potvin@gmail.com
450 687-8181


2 commentaires so far
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J’ai encore hâte de lire la suite…

Commentaire par D. Michaud

O.K! O.K! Mais j’attends d’avoir trouvé le titre… Ça y est, je l’ai !!

Commentaire par mariellepotvin




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