Marielle Potvin, orthopédagogue / marielle.potvin@gmail.com


C’est pas moi qui le dit …
7 juin 2010, 11:34
Filed under: plaisir d'apprendre, ressources | Étiquettes:

Je le clame depuis longtemps, mais cette fois, ce sont des experts qui l’affirment et qui sonnent l’alarme en ce qui concerne la formation des enseignants, souvent si lacunaire.

Il était temps.

Comme dans l’histoire de l’oeuf ou de la poule, nous pouvons nous demander jusqu’à quel point cette formation déficitaire entraîne des manques et des retards dans l’identification des troubles d’apprentissage si difficiles à rattraper par la suite.  Dans la prévention de l’escalade des troubles de comportement, aussi.
Attention, je ne reproche pas aux enseignants d’être mal outillés, je le redis, ils font tout leur possible avec ce qu’on leur a appris.
Et tombent comme des mouches sous le poids du découragement et de l’impuissance.

Bon. Maintenant que c’est  constaté et renchéri par M. Égide Royer qui le dit aussi depuis pas mal d’années, qu’allons-nous faire ?

Vous croyez que la formation des maîtres va se modifier?  J’en doute, et pour les raisons suivantes:

Les professeurs qui dispensent la formation des futurs maîtres à l’université ont beau détenir un doctorat, peu d’entre eux ont déjà exercé la profession d’enseignants. On leur préfère des chercheurs.  D’où une inévitable déconnection d’avec la réalité qui attend les étudiants.

Les enseignants chevronnés ne détenant qu’une solide expérience, soit en enseignement au régulier, soit avec les élèves en troubles d’apprentissage ou de comportement sont exclus, même s’ils se sont appropriés une solide expérience et une formation continue tout au long de leur carrière. Pas un seul cours n’est donné par des gens qui ne détiennent qu’un baccalauréat. (Même si mon désir le plus cher serait de préparer les futurs enseignants, je devrais pour cela compléter au moins une maîtrise…ou même, de préférence, un doctorat.   Ben oui, à 52 ans … )  Au moment où on me reconnaîtra la possibilité de prendre part à la formation des enseignants, actuels ou futurs, je serai sur le point de prendre ma retraite.

Non, je ne crois pas que ça va changer.

La seule façon d’améliorer la situation sera de changer la mentalité que la seule formation valable provient de l’université. Vous vous souvenez de ce billet ?
Rien n’a changé depuis.

Seules de nouvelles façons de faire pourront pallier à cette situation.

Les Ateliers Clandestins en sont un exemple.  Déjà bien en place, mais loin de rouler à fond de train.

Quand on cessera de dire que durant l’année on n’a pas le temps, mais que durant l’été on n’a pas le goût…

Quand on cessera de s’en remettre aux formations offertes par les Commissions Scolaires, en pestant qu’on a d’autres chats à fouetter lors de nos journées pédagogiques (même si cet aspect est bien réel),

Quand on s’engagera dans notre formation continue pour développer nos compétences plus que pour l’ajustement de notre échelle salariale,

Quand se mettront en place des possibilités d’accéder à des formations sur mesure et à la carte, selon les besoins et au moment où ces besoins se font sentir, les enseignants pourront alors développer un véritable sentiment de compétence.

C’est alors qu’ils pourront  s’approprier leur cheminement de façon responsable,  sans d’autres attentes que celles de développer leur confiance et leur plaisir d’enseigner.

Marielle Potvin, orthopédagogue
marielle.potvin@gmail.com
450 687-8181


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Bonjour Marielle,

Je suis obligé de répondre… et tu n’aimeras peut-être pas ma réponse!

Je crois que tu fais exactement comme les politiciens d’abord et les directeurs d’école maintenant, tu pousses les problèmes dans la cours des autres et tu refuses de considérer le problème dans son contexte global et historique…

L’article que tu cites dit ceci:

«Mais, présentement, nos classes ne respectent pas les proportions naturelles, explique-t-il. Une fois qu’on a écrémé nos classes et que le privé a fait le plein, on peut se retrouver en 1re secondaire avec un tiers d’élèves qui ont de gros problèmes de lecture et d’autres qui ont des problèmes de comportement. Nos futurs enseignants ne sont absolument pas préparés pour composer avec ça.»

Moi, ce que je lis, c’est que le système a dérivé… Le système s’est divisé et nos gouvernements ont ouvert les portes à certains types d’intégration trop agressive. Il faut admettre que nos enseignants et nos spécialistes en orthopédagogie sont généralement très bons, mais que la situation a changé et pas nécessairement pour le mieux. Avant de mettre la faute sur la formation, il faut se questionner sur les raisons des changements auxquels on demande aux enseignants de s’adapter… Si ces changements ne sont pas motivés par des raisons pédagogiques, ils n’auraient pas dû être effectuer. Les accepter sans réfléchir serait anti-professionnel!

Selon moi, le plus gros du problème provient de décisions prises en fonction de critères économiques, et politiques (faire plaisir à tel groupes de parents pour qu’ils votent pour nous). Je déplore que l’on gère le système en fonction de critères qui ne sont pas propres à l’éducation… C’est un non-sens. La logique du marketing ou des finances n’amène rien de bon en pédagogie…

Je suis vraiment triste de constater que des enseignants et des pédagogues que je juge autrement fort compétents acceptent la situation actuelle et remette le blâme sur la formation des enseignants sans juger de la situation actuelle à l’auge de la pédagogie et de l’apprentissage.

Toujours dans l’article que tu cites, on peut lire les propos de M. Boutin:

«Il n’est pas normal que les enseignants se retrouvent avec cinq ou six élèves en difficulté dans une classe, dit-il. C’est un problème réel.»

Ce n’est effectivement pas normal et, en tant que spécialiste en technologies éducatives et PROFESSIONNEL de l’éducation, je refuse d’accepter cela et de simplement changer la formation des enseignants pour me conformer à l’opinion de personnes qui ne sont pas des professionnels de l’éducation (lire « politiciens » et « administrateur »), et ont décidé de modifier un système en fonction de LEURS croyances…

À réfléchir…

Commentaire par Patrick Giroux

Contrairement à ce que tu sembles croire, ta réponse me fait grand plaisir.
D’abord, parce que je me proposais de faire mention, justement, de cette deuxième partie de l’article dans un prochain billet, et ensuite, parce que je vois que ça amène une réflexion plus que nécessaire.
En fait, tu as en partie raison. Mais comme je le mentionnais, c’est la question de la poule ou de l’oeuf qui se pose ici.
Cette fois,au risque de te froisser, j’avancerai que les principales qualités d’un bon enseignant consistent à posséder une grande connaissance du processus d’apprentissage, ce qui est loin d’être le cas chez les nouveaux enseignants que je rencontre. Plusieurs croient encore ce que , traditionnellement, on juge comme étant la norme. Par exemple, faire mémoriser par la répétition, ce qui peut convenir à certains élèves, mais pas à tous, loin s’en faut.
Parfois, je me surprends à dire qu’on est encore chanceux d’avoir autant d’élèves qui réussissent, malgré l’école.
Les jeunes enseignants croient souvent qu’ils entrent dans un système en tous points conforme à celui qu’ils ont quitté.
C’est oublier que la société change, et que les connaissances liées à la pédagogie se développent. Avec tout ce que l’on sait (ou que l’on devrait savoir) au sujet du processus d’apprentissage, des facteurs motivationnels, de l’enseignement stratégique et de la gestion mentale, il y aurait lieu de fabriquer pas mal moins de décrocheurs.
Attention, je ne blâme ici personne, mais à la lecture des hyperliens que j’ai inséré dans ce billet, il nous faut bien constater qu’avec le peu de bagages avec lesquels les nouveaux enseignants arrivent dans la profession, ignorant tout des intelligences multiples et des principales techniques d’interventions qui pourraient être utilisées en prévention, éteignent plutôt qu’éveillent, découragent plutôt que de supporter, et enveniment sans le vouloir bien des situations.
Que dire du fait qu’encore récemment, quand on demande à un nouvel enseignant quelles seront ses outils de gestion de classe, on obtiennent encore des réponses dignes de 1930: la copie et la retenue. Pas fort.
Mais je sais. De l’extérieur, enseigner semble si simple. Si simple qu’on n’a qu’à aimer les enfants et bien posséder sa matière. On devrait aussi apprendre comment ne pas nuire, non ?

Commentaire par mariellepotvin

Hummm… J’ignore à quels stagiaires ou jeunes enseignants tu as parlé, mais c’est un drôle d’échantillon. Les jeunes enseignants sont généralement familiers avec Merrill, Gardner, Piaget, Vygosky, Siemens, Ausubel et j’en passe. Maintenant, dans le feu de l’action, ils manquent peut-être un petit quelque chose qui se nomme de l’expérience… Peut-on leur en vouloir, ils sont jeunes! Je serais tenté de me plaindre, de dire qu’ils ont réussi tels ou tels cours… Passons! Je veux surtout insister sur autre chose.

Les plaies du système éducatif touchent aussi les universités. Nos administrateurs, avec leur logique de profit, ne nous laissent (par exemple) pas facilement imposer de critères contraignants à l’admission à l’Université et ne nous laissent pas choisir en fonction de critères « pédagogiques ». L’enseignement c’est pour tout le monde… Comme tu l’as écrit: « De l’extérieur, enseigner semble si simple. Si simple qu’on n’a qu’à aimer les enfants et bien posséder sa matière. »
Cette conception de l’enseignement ne hante pas seulement la relation entre les parents et les enseignants du primaire…

Saviez-vous que dans certains pays que l’on cite souvent pour la qualité de leur système éducatif, il est aussi difficile de s’inscrire en médecine qu’en éducation? J’ose croire qu’ils n’ont pas la même vision de l’éducation que notre société.

Utilisons un exemple. J’ai personnellement fait l’analyse des dossiers d’une cohorte entière et démontrer statistiquement que ceux qui ont une côte « r » plus faible que 22 au Cégep ne réussissent presque jamais le BAC en enseignement et que ceux qui ont moins que 25 vont peut-être réussir, mais « tout juste ». Les indicateurs que le collégial nous fournit sont donc efficaces au sens ou ils permettent de discriminer. J’ai donc proposé d’augmenter la côte « r »… Mon module a accepté, mais l’administration a rendu la chose presque impossible. Je me suis aussi fait traiter d’élitiste. On m’a « expliqué » qu’au Québec, l’éducation et l’Université c’est un droit. Moi, je dis que c’est une responsabilité. C’est la responsabilité d’assurer le futur de notre province. Néanmoins, les critères qui dictent l’admission demeurent économiques et politiques… Lorsqu’il est question d’éducation au Québec, le manque de vision est parfois frappant… Je vais faire miens les propos de McLuhan et les utiliser hors contexte : En éducation, au Québec, depuis plusieurs années, on prend des décisions concernant le futur (l’éducation c’est le futur!) en regardant sur les côtés (équivalent d’aujourd’hui) et dans nos rétroviseurs.

Que faut-il en comprendre? La vision que notre société entretien de l’enseignement est biaisée et, conséquemment, la société a une piètre opinion des professionnels qui assument ces tâches et oriente le système éducatif dans des directions qui nous servent mal sans écouter nos récriminations et nos propos. Au quotidien, cela se traduit par des dictats de la classe politique et des pressions des parents qui ne tiennent pas compte des connaissances en pédagogie que tu as citées plus haut. Qui de mieux placer pour éduquer la population à ce sujet?

Selon moi, il est grand temps que les professionnels de l’éducation s’imposent comme de vrais professionnels en refusant de s’en laisser imposer par M. et Mme tout le monde. Il faut qu’ils apprennent à exposer clairement leurs critères/règles/décisions pédagogiques et qu’ils refusent les dictats de non-pédagogues. Il n’est surtout plus temps de balayer la faute chez nos collègues qui sont aux prises avec le même système… Je pourrais par exemple dire que si les futurs enseignants ne sont pas aussi savants que tu le désires, c’est à cause de l’enseignement collégial qui est si pauvre… Eux pourraient dire que c’est la faute du secondaire et ainsi de suite jusqu’à la garderie! C’est faux et ça ne mène à rien! Chaque jour, des enseignants font de leur mieux dans un système qui est désorganisé du point de vu de l’enseignement et de l’apprentissage. La société doit ré-apprendre à faire confiance à ses professionnels de l’enseignement. Pour cela, nous devons être rigoureux dans nos décisions/demandes/exigences et penser d’abord à l’apprentissage et tenir notre bout « ensemble ».

Surtout, cessons de balayer la faute chez nos collègues éducateurs… La division dans nos rangs leur permet de régner sur notre domaine!

Commentaire par Patrick Giroux

J’ai aimé lire ce billet du Professeur masqué sur le même sujet:http://leprofesseurmasque.blogspot.com/2010/06/ne-tirez-pas-sur-le-pianiste.html

Commentaire par Patrick Giroux

Merci d’avoir pris le temps d’exposer ton point de vue.
J’en relève quelques malentendus. D’abord, les auteurs que tu nommes, quoique très intéressants, n’outillent pas les nouveaux enseignants de façon concrète. À quoi servent, RÉELLEMENT, la connaissance de telle ou telle théorie, si on ne possède pas de techniques d’intervention suffisantes pour en tenir compte dans notre enseignement.
Ce dont les enseignants ont besoin, enfin, ce qu’ils me disent, ce sont justement des outils. Personne, ni eux, ni moi, ne veulent qu’ils deviennent plus savants…

Au contraire, ils déplorent le fait de n’avoir que peu d’outils concrets en obtenant leur diplôme. Il y aurait pourtant lieu qu’il en soit autrement, mais à la lecture des auteurs que tu cites, je comprends que peu de choses ne les préparent à intervenir concrètement.

Autre malentendu: l’expérience apportera la compétence. Si c’est vrai dans une certaine mesure, il faut quand même éviter de tout lui mettre sur le dos, à cette expérience. Nous connaissons tous des enseignants pas plus compétents après trente ans de pratique qu’à leur premier jour de classe, enthousiasme et passion en moins.

On dirait qu’on ne peut pas dire ces affaires-là. Qu’il faut à tout prix laisser croire que tout le monde est bien outillé pour faire son travail. Si je vais chez un dentiste qui utilise les mêmes méthodes et instruments qu’il y a vingt ou trente ans, qui ne se tient pas à jour au sujet des développement relatifs à sa profession… Je tourne les talons.

Honnêtement, nous savons pourtant qu’il en est de l’enseignement comme de n’importe quelle autre profession.
On peut fermer les yeux si on veut, mais chaque jour,des enseignants me font part de leur déception par rapport à la formation qu’ils ont reçue.
Chaque jour. Il faut ensuite les accompagner pour défaire, bien souvent, ce qui a été inculqué, ou plus simplement pour les aider à pallier à leurs manques les plus urgents.

C’est une réalité. Si je ne m’avancerai pas jusqu’à dire qu’une meilleure formation serait le remède à tous les problèmes, il n’en reste pas moins qu’il s’agit, indéniablement, d’une voie à explorer.

C’est un débat intéressant que nous tenons là, et j’espère que quelques nouveaux enseignants viendront s’y prononcer.
En fait, je souhaite tellement me rendre compte que je suis complètement dans le champ…

Commentaire par mariellepotvin

Les auteurs que je cite…

Mais la connaissance de Gardner et des intelligences multiples a des applications concrètes. En cours et en stages, ces jeunes enseignants ont certainement eu à mettre cela en application. Et le fait de connaitre les étapes du développement de l’enfant (Piaget, entre autres) contribue à permettre à l’enseignant d’évaluer et de juger des jeunes à qui il doit s’adapter… Ça aussi, ils ont eu à le faire dans des exercices ou en stage. Et les cinq principes de base de Merrill? Et les évènements de l’apprentissage de Gagné? Les jeunes enseignants les appliquent des centaines de fois durant leur formation. C’est du concret! Ces principes sont le squelette d’une bonne intervention pédagogique. Est-ce que je continue? (notez que je parle de ce qui se passe chez nous…)

Les jeunes enseignants manquent, à mon idée, de l’expérience nécessaire pour reconnaitre les occasions d’appliquer ceci ou cela. L’expérience n’apporte pas nécessairement la compétence, mais c’est tout de même irremplaçable!

Et il faut comprendre que les futurs enseignants qui arrivent à l’Université ont la même conception de l’enseignement que la société en général. Ils en sont le produit. Cette situation et cette conception qu’on a laissé se construire ne vont pas disparaitre facilement… En classe, les futurs enseignants demandent souvent la recette magique. « Comment je fais pour faire apprendre cela! » Et si tu t’avises de répondre en tentant d’être signifiant pour plus d’une situation, de parler de l’importance de faire une bonne démonstration qui respecte tels ou tels critères ou de mettre de l’emphase sur la pertinence d’une bonne amorce, certains décrochent… (Heureusement pas tous!)

On ne peut pas préparer les enseignants à toutes les situations. Nous les outillons en prévision de la plus grande quantité possible de situations, choisissant les outils et les stratégies qu’on leur enseigne en fonction de leur utilité potentielle et de leur importance. On essaie de leur faire voir que ça s’applique dans des situations de type x ou y. En stage, ils vivent des situations dans lesquelles on tente de modéliser leurs interventions… Mais on ne peut pas leur donner les solutions à toutes les situations.

Il y a cette conception de pensée magique en éducation que je ne comprends pas…

Et je réitère ma mise en garde : cessons de balayer la faute chez nos collègues éducateurs ou de chercher un coupable parmi nos rangs… La division dans nos rangs permet à des incompétents (sur le plan de la pédagogie, on s’entend) de régner sur notre domaine!

Commentaire par Patrick Giroux

Très honnêtement, vieux ou jeune, les enseignants n’ont même plus le temps de penser dans le cadre de leur pratique. On ressort fourbu d’une journée et faire un post mortem passe bien après le reste. Le temps de réfléchir, de se former: voilà ce qui nous manque aussi dans notre pratique.

Commentaire par Le professeur masqué

Absolument d’accord. La tension engendrée par les situations que nous ne savons pas toujours maitriser entraine une grande perte d’énergie.
Aujourd’hui, un enseignant est ressorti soulagé de mon bureau après que je lui aie simplement suggéré un truc efficace pour modifier chez certains élèves un comportement qui le rendait hors de lui.
Il l’a essayé cet après-midi. Ça marche.
Mais ça fait trois semaines qu’il rongeait son frein, sortait de ses gonds, et finissait ses journées en rampant…

Commentaire par mariellepotvin

Voilà, je crois, un indice du vrai problème. C’est un problème relatif à la structure du système. Structure qui n’a aucun sens du point de vue de l’apprentissage et de la formation et qui m’apparaît encore plus large et important que la formation des jeunes enseignants.

Commentaire par Patrick Giroux

Bonjour Mme Potvin,

J’écris en tant que diplômé universitaire depuis un peu plus d’un an et comme enseignant à temps plein depuis 8 mois. Je suis donc dans ce passage de la théorie à la pratique et j’aimerais ajouter ce qui suit. Cela n’explique pas le problème actuel, mais ça porte à réflexion.

Je pense qu’il faudrait également considérer le rôle de l’étudiant c’est-à-dire du futur enseignant. Pour reprendre une expression que j’ai déjà entendue, certains sont des «étudiants professionnels». Ils sont là pour la note et font tout de manière superficielle pour avoir un A.

Par exemple, durant mon bac que j’ai terminé l’année dernière, il y a eu un cours dans lequel j’avais voulu modifier certains points. Quand j’ai tenté d’obtenir l’appui d’autres collègues étudiants, certains ont accepté alors que plusieurs m’ont clairement répondu « Je m’en fiche de ne rien apprendre, tout ce que je veux c’est un A.» Et c’était un cours abordant en partie l’intégration scolaire. Ça se passe de commentaire non?

Je suis convaincu que les auteurs que vous citez dans votre billet d’août 2009 sont passés plusieurs fois sous le nez de ces étudiants voulant absolument un A, mais ils n’y ont probablement pas porté attention. Ils oublient peut-être que leur quête du A superficiel à l’université ne donnera pas grand-chose devant une classe du primaire ou du secondaire.

Certains professeurs universitaires sont effectivement très loin de la pratique et quelques-uns pas pédagogiques (et ça, il y en a partout), mais ils nous donnent tout de même des assises théoriques, des ressources et des outils vers lesquels on peut se tourner lorsque l’on se retrouve devant une classe.

Le nouvel enseignant (et là je m’inclus) a un travail à faire et doit utiliser ces ressources lorsqu’il travaille sur le terrain. C’est impossible de se souvenir de tout ce qui a été vu durant les quatre ans de la formation (et environ 35 cours) surtout quand ils ont été faits dans le but d’avoir un A… De plus, on aura beau lui avoir montré différentes solutions à plusieurs problèmes, il doit en trouver avec lesquelles il sera à l’aise et ça, c’est avec l’expérience qu’il y arrivera…

J’ai d’autres petits trucs à dire, mais j’en ferai part lors de la discussion…

Commentaire par David Martel

Quel bons points vous soulevez… Maintenant que ces faits sont établis, je me demande comment faire en sorte qu’il en soit autrement.
Comment un étudiant peut-il obtenir une excellente note et n’apprendre que peu de choses qui lui seront véritablement utiles?
Y aurait-il lieu d’insister davantage sous certains aspects de la formation, alors?
D’élever les exigences ?
Je vous invite à poursuivre la discussion…

Commentaire par mariellepotvin

Bonjour tout le monde !
Je suis très d’accord avec ce commentaire de M. Giroux : « Selon moi, il est grand temps que les professionnels de l’éducation s’imposent comme de vrais professionnels en refusant de s’en laisser imposer par M. et Mme tout le monde. Il faut qu’ils apprennent à exposer clairement leurs critères/règles/décisions pédagogiques et qu’ils refusent les dictats de non-pédagogues. » Le problème est que les enseignants comptent majoritairement sur les directions d’écoles, le MELS ou le syndicat-maman pour effectuer cette tâche de relation publique.

Aussi, j’ajoute que ce n’est pas la formation des maîtres qui fait défaut, mais plutôt l’éducation reçue et entretenue dans nos écoles depuis des décennies. Celle de la soumission généralisée, de l’étroitesse d’esprit et de la peur de ce qui vient d’ailleurs ou pire, de ce qui fonctionne ailleurs, et souvent en anglais de surcroît.

Je suis révolté par certains collègues, expérimentés ou pas, qui continuent à punir un enfant atteint de Gilles de la Tourette parce qu’il émet des sons incontrôlables. Ou encore, des enseignants qui osent penser utile et juste d’interdire les ballons dans la cours ou de boire de l’eau sous prétexte que ça dérange. D’une orthopédagogue qui déclare qu’un élève qu’elle est pourtant chargée d’aider ne peut RIEN apprendre ! Je lutte depuis 16 ans contre ces situations qui se multiplient plutôt que de disparaître. La « pédagogie carcérale » est le fondement dans trop d’écoles québécoises et elle issue de l’éducation que les enseignants ont eux-mêmes reçue enfant.

Moins d’élèves dans les classes pour mieux leur enseigner à l’ancienne ? Foutaise !

Commentaire par Pierre Poulin

Bien d’accord avec toi sur certains points, Pierre. Nous avons eu l’occasion, récemment, de constater que ce n’est pas avec les moyens de pression suggérés par votre syndicat que le blason des enseignants sera redoré en tant que professionnels. C’est clair. Et nous savons qu’on ne peut pas compter sur le MELS ni sur les directions pour assurer un coaching pédagogique digne de ce nom. C’est une autre constatation.
Cependant, si un peu plus d’importance était mise, justement, ne serait-ce qu’en éthique professionnelle et en techniques d’interventions, peut-être que certaines prises de conscience se feraient. C’est de cela aussi que je parle, quand je parle de formation.
Il me semble y voir un manque, assez généralisé, de ce côté.
Tout ça me rappelle ce billet : http://j.mp/19hqh6
Une situation qui m’est restée comme un mauvais souvenir. C’est lors d’une de ces occasions que j’ai pris conscience que je devais quitter ce système.
Écoute, sois j’en étais complice, soit j’étais ostracisée. Tu te doutes bien de ce que je veux dire… J’ai décidé de quitter, et je pense que ce système perd beaucoup de ses meilleurs joueurs, à cause des raisons comme celles-là. Ceux qui restent perpétuent le système en place, les autres l’ont fui. Sauf certains, qui comme toi, vivent des moments parfois difficiles,mais s’accrochent avec un courage que j’admire.

Commentaire par mariellepotvin




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